Pour lever les voiles contre l'empire Bolloré, nous avons besoin de votre aide !

Soutenez l'action du 24 mai : la plus grande armada antifasciste de tous les temps ! et le camp à terre ont besoin de vous !

Bolloré en croisade

Raciste, colonialiste, capitaliste, Vincent Bolloré est aussi profondément masculiniste. Son empire médiatique est un outil puissant et menace directement les droits des femmes et des minorités de genre, et au-delà, leur existence même, leur liberté et leur émancipation.

L'agenda politique est clair et solide, attelé à un intégrisme religieux assumé. À l'heure des montées des fascismes, souvenons-nous que les régimes réactionnaires ont toujours affirmé la puissance virile et le mépris des femmes, ainsi que l'intolérance vis-à-vis des minorités de genre et d'orientation sexuelle. C'est le moment de visibiliser le rôle de l'empire Bolloré dans cette fascisation

et de le combattre par tous les moyens!

Télécharger, imprimer et diffuser la brochure

Des médias au service de valeurs traditionalistes et patriarcales

Quand on parle de Bolloré, n’oublions pas que, en plus d’être un raciste, colonialiste, capitaliste, c’ est aussi un discret, mais très influent, chef de file du mouvement masculiniste et réactionnaire en France.

UN PROJET POLITIQUE TRÈS PERSONNEL

Il est là, tranquille sur sa chaise. Désinvolte, sûr de lui, de son pouvoir et de son costard. Nous sommes en mars 2024. L'homme d'affaires Vincent Bolloré répond à une commission d’enquête de l’Assemblée Nationale sur l’attribution des fréquences de la TNT, suite à de trop nombreux propos sexistes, homophobes, racistes diffusés sur les chaînes dont il est le propriétaire.

Un mois plus tôt, dans l’émission catholique « En quête d’esprit » , sur la chaîne Cnews, une infographie mensongère assimilant l’IVG à la "première cause de mortalité dans le monde" était apparue à l’écran. Lorsque le rapporteur lui demande son avis sur cette affirmation et si cela devrait être sanctionné, Bolloré fait alors une réponse d’une rare intimité, lui qui fait de la discrétion à propos de sa vie privée une marque de fabrique.

Plutôt que de répondre formellement à ce qui lui est demandé, il se lance dans une tirade très personnelle : « Il y a pas mal d’années, la femme avec qui j’étais a appris qu’elle était enceinte alors qu’elle prenait des médicaments qu’il ne fallait pas prendre. J’avais déjà quatre enfants, j’étais faible, je n’ai pas fait attention, j’ai laissé faire : je peux vous dire qu’il n’y a pas un jour où je ne pense pas à cette vie que j’ai contribué à supprimer »

Cette phrase lourde de sens, où l’avortement semble être un abus de faiblesse, où la femme semble avoir profité d’un instant d’inattention, où l’avortement est une vie supprimée (on remarquera le champ lexical de la "faiblesse" et du "laisser faire", grands thèmes des masculinistes prétendument dominés par la gente féminine), est la pointe émergée d’un iceberg de sexisme, de racisme et de traditionalisme, d'une vision de la famille et des femmes dont on va ici tracer les contours en examinant ses influences, ses amis, ses obsessions, pour voir comment une vision bien politique du monde se retrouve à l'antenne, loin de la « neutralité idéologique » que revendiquera Vincent Bolloré devant cette même commission d’enquête.

Après avoir saigné l’Afrique1, l’homme d’affaires veut maintenant travailler à instaurer un vaste projet traditionaliste, guidé par une foi chrétienne fondamentaliste qui lui dicte le chemin à suivre et dans un Occident dont il juge les valeurs en déclins.

UNE GALAXIE D'ORDURES

Bolloré a opéré, depuis les années 2010, une vaste opération de reconversion en réorientant la fortune issue de son empire industriel pour acheter massivement des médias et des maisons d'édition (Groupe Canal+ (C8, Canal+, CNews, CStar, Hachette et Editis, les radios Europe 1 et RFM, ou encore Télé-Loisirs, Geo, Gala, Voici, Femme actuelle,Capital, Paris Match et Le Journal du Dimanche). Presse, chaînes d’info en continu et de divertissement, radio, jeux vidéo. Pour tenir ces médias et leurs lignes éditoriales, Vincent Bolloré y place sa garde rapprochée, composée d'une constellation d'hommes d'Église puissants et de traditionalistes d'extrême-droite qui deviennent conseillers éditoriaux ou rédacteurs à chaque rachat d'un média.

Parmi eux, l’Abbé Grimaud. Confesseur personnel de Vincent Bolloré, consultant religieux de sa chaîne d'information Direct 8, ce religieux à la sauce XXIème siècle est un fervent anti pape (parce qu'il le considérait trop progressiste - à noter que le pape François, qui vient de mourir, était, malgré ses positions anti-IVG, homophobe et misogyne), L'abbé Grimaud est aussi le pilier de l’association traditionnaliste Mater Amoris et du foyer Jean Bosco2 (lieu de formation financé par Bolloré qui a pour vocation de transformer les jeunes étudiants en parfaits catholiques intégristes). Il servira aussi de recruteur3 , plaçant ses protégés dans les médias Bolloré. Vient ensuite l’Abbé Seguin, qui dirige les messes de la plus grande île de l'archipel des Glénan dans le Finistère, l'île du Loc'h, fief privé du chef d’entreprise. Cet ancien confesseur du lycée privé catholique Stanislas (à Paris) a été condamné en 2020 pour des faits d’agressions sexuelles multiples sur de jeunes gens dans les confessionnaux, rédige maintenant  des éditos pour les chaînes et journaux…

Cet entourage trace une ligne claire : le catholicisme de Bolloré est rigoriste, traditionaliste.

Cette garde idéologique, ultra discrète mais bien présente, aide ainsi à recruter ceux qui dirigent et animent les médias du Bollo Land : Guillaume Zeller (ancien directeur de Direct 8 et d’iTélé, aujourd’hui à Vivendi), Hadrien Lecœur ( « Dieu merci ! » ) et Aymeric Pourbaix. Ce dernier a été placé à la tête du dernier programme du genre, « En quête d’Esprit ».

Animateur et ancien directeur de nombre de journaux chrétiens, il offre l’espace de son plateau à celles et ceux qui voudront nous alerter sur la crise démographique engendrée par l’émancipation des femmes, le soi-disant lobby LGBTQIA+ et les avortements.

À ces animateurs, se rajoutent des "vedettes". On se rappellera que ce sont les chaînes de Bolloré qui ont propulsé Eric Zemmour, chroniqueur vedette de Cnews jusqu'en septembre 2021, avec l'horaire le plus exposé et la meilleure audience.

Si on se souvient de ses propos abjects sur les arabes, les noir·es et les musulman·es, Zemmour a débuté sa carrière sur la haine des homosexuel·les (« soit on couche avec l’autre sexe et on fait des enfants, soit on ne couche pas avec l’autre sexe et on n’a pas d’enfants » CNews, 2019) et des femmes, "machines à castrer" (Le premier sexe, 2006). Un masculinisme sans équivoque, qui défend "le besoin des hommes de dominer – au moins formellement – pour se rassurer sexuellement. Le besoin des femmes d’admirer pour se donner sans honte », (Le suicide français, 2014) Pendant la coupe du monde en 20194 , il nous explique comment le football n'est plus du football quand ce sont des femmes qui y jouent… Tous les sujets sont bons pour expliquer l’infériorité des femmes et défendre une forme de "violence" dans les "rapports sexuels" entre les hommes et les femmes. N'oublions pas l'animateur chouchou de Vincent, Cyril Hanouna, dont les propos sexistes, l'homophobie et les agressions sur le plateau de TPMP ont fait l'objet de nombreuses plaintes sans que l'émission ne soit abandonnée. Les femmes sur le plateau, Christine Kelly (droite traditionaliste), Thaïs D'Escufon (trad-wife tendance nazi) et Alice Cordier (Nemesis, collectif de femmes identitaires) sont ravies de servir de caution à la parole des femmes et déversent à leur tour leur anti-féminisme5.

DES SUJETS BIEN CHOISIS

Ce casting d'extrême-droite et de catholiques rigoristes est donc en charge d'articles, d'éditos et d'émissions où le traitement des affaires de violences sexistes et sexuelles ou bien la manière d'aborder les questions de sexualité ou de genre est une offensive frontale contre toutes les avancées des 50 dernières années.

En 2021, la Commission indépendante sur les abus sexuels dans l'Église en France sort ses conclusions accablantes. Le silence est complet sur les médias du milliardaire. 10 jours plus tard, enfin Aymeric Pourbaix brise le silence; dans un édito de France catholique intitulé « Se taire ou parler ? ». « Notre silence est-il un déni ? Non, bien sûr. (…) Parfois même, le silence est une indication à demeurer prudents. Et il est aussi permis de se poser la question, sans pour autant tomber dans le complotisme : quand toutes les ondes tiennent le même discours, qui leur a appris cet hymne à l’unisson ? Ne peut­il y avoir un chef d’orchestre caché, et à quelles fins ? ». On entendra, par contre, des vociférations outrageuses lors des affaires Depardieu ou Pélicot, où la prudence, cette fois, se place du côté des agresseurs. Nouveau renversement quand le violeur est noir, arabe, musulman… Ce qui semble être une girouette tourne toujours dans le même sens : ce qui compte, ce ne sont pas les victimes. Chez Bolloré, le viol est un sujet dont l'on s'empare pour mieux parler d'immigration ou pour contester le système judiciaire quand il s'attaque à des hommes blancs, et demander plus de fermeté quand il s'agit de personnes racisées.

Autre exemple: a nouvelle loi sur l'éducation à la sexualité et à la vie affective, devient l'occasion d'une panique morale à grande échelle où l'on s'effraie de la chimérique "théorie du genre". "L'éducation sexuelle à la dérive ?" se demande durant deux heures Pascal Praud l'éditorialiste phare d'Europe 1 ; un texte dont "le but est de détruire la famille", lit-on dans l'hebdomadaire France Catholique (chez Bolloré depuis 2018), etc, etc. Les discours masculinistes se déploient à longueur de colonnes et d’émissions - la machine à former les opinions tourne à plein régime. Pour illustrer le traitement du sujet "wokisme", on choisira ici la manchette du 25 janvier 2025 du Journal du Dimanche en ligne : Jean­Claude Van Damme contre le wokisme : « Il n’y a pas de langage plus universel qu’un poing dans la gueule !»… Au delà des punchlines, on observe des stratégies claires pour imposer des sujets : à la sortie du livre Transmania en avril 2024, durant 10 jours, c'est "tapis rouge" sur toutes les chaînes  Bolloréenne aux autrices du livre, Marguerite Stern et Dora Moutot. Ce livre, ouvertement haineux envers les personnes transgenres, basé sur des préjugés dégradants, sous le coup de deux plaintes de SOS Homophobie et Stop Homophobie, est mis sur le devant de la scène. Les autrices et invité·es enchaînent les plateaux d'une émission à une autre, pour un matraquage en règle – citons Philippe de Villiers pour l'exemple : "Je vous invite à lire ce livre magnifique. Marguerite Stern et Dora Moutot m'ont impressionnées par leur courage et leur bon sens. Si jamais le transgenrisme et le transhumanisme aboutissent, cela marquera la fin de l'être humain tel que nous le connaissons...". Le livre y est traité comme « le sujet du moment », pourtant, ce ne sont que sur les chaînes d’info en continu de Bolloré que l'on en parle. Les autres médias finiront par suivre, contaminés par la puissance de frappe de l'empire médiatique de Bolloré. Et la France cis-hétéro-sexuelle sera appelée à se prononcer : pour ou contre la transidentité ? Idem pour le wokisme, idem pour le féminisme. C’est sur Cnews et consorts que les polémiques sont lancées, Bolloré et ses sbires craquent l’allumette et regardent le feu médiatique prendre : c'est le principe même de la fenêtre d’Hoverton, qui consiste à rendre acceptable et même centrale des idées jusqu'alors socialement réprouvées.

Pour achever le panorama, dans sa guerre contre l'IVG - un droit fondamental acquis après des centaines d'années de batailles féministes -Bolloré a montré jusqu'où il peut aller. On n'oubliera pas le baroud d'honneur de C8 en février 2025.

Le dernier soir de la chaîne, qui devait cesser d'émettre à minuit, les programmes sont soudainement interrompus pour diffuser Unplanned aux téléspectateur·ices. Un téléfilm anti-avortement où l'héroïne, ancienne bénévole puis directrice au Planning Familial américain, est prise de remords et devient militante anti-IVG …

bollore en croisade - 3

UNE PUISSANCE DE DIFFUSION RAREMENT ATTEINTE

Ainsi, Bolloré est en croisade. Ce catholique, qui dit de lui même qu’il a " la foi du charbonnier", met sa fortune au service de la défense d'un occident chrétien fantasmé.

L’alliance de son pouvoir économique, de sa proximité avec le monde politique et industriel, les outils qu’il détient, les idéologues sur lesquels il s’appuie et les jeunes loups à la tête de ses médias créent un alliage extrêmement puissant pour la diffusion d’idées, sûrement jamais égalé en France, même si l’inspiration est claire.

Comme Francis Coty, un richissime industriel, antisémite, xénophobe, anti-républicain et pro-Vichy, qui avait racheté dans les années 1930 un ensemble de médias pour influencer la société française, Bolloré fait en quelque sorte une reconversion professionnelle et promeut un projet de société fasciste, suite débridée du capitalisme en crise, qui lui permet de continuer à faire prospérer son entreprise, en plus de diffuser les idées auxquelles il tient.

L’historien des médias, Alexis Lévrier, dans The Conservation (média d’info en ligne), alerte sur le système mis en place : « Il faut bien mesurer le basculement qui s’est opéré dans l’univers des médias français en moins d’une décennie. Jamais dans notre histoire les thématiques de l’extrême droite n’avaient été portées par des médias si nombreux et si complémentaires, puisque Bolloré est présent dans la presse écrite, dans la radio, dans la télévision, mais aussi dans l’édition, la communication, la musique ou le cinéma » Pour parfaire le système Bolloré, l'institut de sondage CSA qu'il possède, semble bien opportun pour créer l'illusion d'une pensée partagée. Un exemple parmi tant d'autres : selon  Valeurs Actuelles, grâce à un sondage commandé par (ô surprise) Cnews, Europe1 et le JDD, 76% des Français estimeraient qu'il n'y a que "deux sexes, le féminin et le masculin" - pratique de mettre en avant LE chiffre qui arrange d'un sondage auto-commandé, sans aucun élément de contexte. Et tout ça finit en vente à l'autre bout de la chaîne dans les magasins Relay détenus par Bolloré, entre des mentos et des sandwichs triangles, présents en masse dans les gares et les aéroports. Une idéologie réac à emporter entre deux trains.

bollore en croisade - 2

CONTRE BOLLORÉ ET SON MONDE

Il est vain, et surtout assez affreux, de tout lister, mais les cibles sont claires : les femmes (si elles font autre chose qu’élever des enfants à la maison), les LGBTQIA+, les droits reproductifs, les mouvements d’émancipation… Depuis la vague #Metoo, qui a déclenché la libération massive de la parole des victimes de violences sexuelles partout dans le monde, nous sommes en pleine troisième révolution féministe : la domination patriarcale a des ennemis sérieux·ses et nombreux·ses.

Mais, face à une jeunesse plus féministe que toutes les générations qui l'ont précédée, la réaction conservatrice s'organise : restriction du droit à l'IVG aux USA en Pologne, lois anti-trans aux USA, autorisation aux militant·es pro-vie d’entrer dans les cliniques en Italie, sans oublier l'annonce, en janvier 2025 du fondateur de Facebook, Mark Zuckerberg, de la fin de sa politique d'inclusion au sein de son groupe Meta, se plaignant de l' "émasculation" de la culture d'entreprise et plaidant pour insuffler "plus d'énergie masculine" dans le monde.

Ces reculs et ces conceptions d'un autre temps qui s’attaquent à l’intime, à nos manières de faire genre, sexe, lien, sont un pilier de la pensée fascisante qui avance à toute vitesse à l’heure actuelle. La comparaison est facile à faire.

Au moment où, en Italie, la présidente du conseil des ministres Giorgia Meloni a commencé son mandat en supprimant les droits des parents du même sexe, et au moment où Donald Trump s’est empressé de signer des décrets pour abolir les droits des personnes trans dès le début de son mandat, il faut prendre très au sérieux la menace que constituent pour nos sociétés les idées diffusées par Jordan Bardella, Marine Le Pen, Bruno Retailleau, Gérald Darmanin… et défendues en France par de nombreux capitalistes qui y voient le moyen d'assurer la continuation de leurs activités, dont Vincent Bolloré est un archétype extrêmement puissant.

POUR UN SOULÈVEMENT FÉMINISTE DE LA TERRE.

Footnotes

  1. Voir les nombreux articles sur le sujet dont "Bolloré bafoue les droits humains en Afrique" , Reporterre, 6 août 2024

  2. https://lejournal.info/article/serie-bollore-contre-la-republique-1/

  3. pour aller plus loin sur les recrutement https:/larevuedesmedias.ina.fr/bollore-direct8-episode1-casting-filles-sexy

  4. cnews, 24 juin 2019, dans l'emission "le femnisme, un nouveau pretexte?"

  5. le seul livre de c.kelly femme en politique, le bilan s’emploie à démontrer que la présence des femmes en politique ne change rien et qu'il est donc inutile de les promouvoir

À lire aussi