Convergence navale, village antifasciste et pique-nique tonique : retour sur deux jours de mobilisation contre Bolloré et son monde dans le Finistère
Après un premier rassemblement à Concarneau à l'automne et un fest-deiz à Fouesnant devant le manoir de Bolloré pour les journées nationales d'actions contre son empire, le week-end d'action en mer et à terre des 24 et 25 mai était la 3e mobilisation commune à l'initiative du Collectif Lever les voiles et des Soulèvements de la terre en Finistère. Elle prenait plusieurs dimensions en mer et à terre.
La manifestation inédite de dizaines de bateaux en mer visait à montrer l'engagement du monde de la navigation contre l'idéologie et la présence de Bolloré ainsi que de ses sbires néo-nazis sur les côtes du Finistère. Un village antifasciste réunissant plusieurs milliers de personnes à quelques dizaines de kilomètres de là à Guiscriff se voulait une base d'analyse, d'organisation et de festivités. Le pique-nique tonique devant l'usine Bolloré Blue le dimanche était là pour rappeler jusque dans son fief historique d'Ergué-Gaberic que le "bon patron" est avant tout un grand criminel et que nous n'allions plus le lâcher.
Voici un retour sur le week-end et ses élancées toutes voiles levées, malgré les diverses tentatives des autorités amies de Bolloré pour le couler.
Retrouvez aussi ici une vidéo récap du week-end
Samedi - naissance d'une flottille antifasciste et base d'organisation
Dès le samedi matin, des navires de toutes sortes convergent aux abords de Concarneau. Certains sont partis de loin - la Rochelle, le Golfe du Morbihan, Douarnenez...- et depuis plusieurs jours. Une fois n'est pas coutume, tous arborent sur leurs voiles des messages politiques forts. Des catamarans portent de grandes banderoles: "Submergeons Bolloré" ou encore "De l'eau peut jaillir le feu", clin d'oeil à la lutte contre les bassines. Une flottille féministe s'est constituée pour se soulever "contre les valeurs de Bolloré sexistes, transphobes, anti-IVG, et allant à rebours de tous les progrès accomplis pour la libération des femmes et des minorités de genre depuis cinquante ans". Un voilier international les a ralliées avec notamment des membres d'équipages de navires de sauvetage de migrant•es en Méditerranée. Ils rappellent à quel point les dégâts causés par les indutries de Bolloré sur d'autres continents provoquent le départ contraint de leurs habitant•es, pris•es en étau entre les ravages sur leurs terres d'un côté et leur rejet aux frontières de l'Europe promu par les médias sur lequel le milliardaire a la mainmise de l'autre. Du son, des cris, des danses et de grands coucous émus partent de chacun des navires qui se croisent et se distribuent des oriflammes. Certain•es naviguent à longueur d'année et reconnaissent de vieux camarades, d'autres sont pour la première fois sur des voiliers où des skippeuses passionées les mettent à la tâche.
L'ensemble des bateaux s'est retrouvé en fin de matinée au mouillage aux abords de la plage de Cap-Coz à Fouesnant, à proximité d'une des villas de Bolloré, là où un fest-deiz antifasciste remuant avait déjà eu lieu fin janvier. Les navigateur•ices ont alors été rejoint•es via la terre par d'autres manifestant•es venues les saluer et appuyer la flottille. Une dizaine de bateaux et leurs équipages, dont les navigateurs Yvon Fauconnier et Eugene Riguidel, étaient allés, quant à eux, directement jusqu'à l'île du Loc'h. Dès vendredi après-midi, une partie de la flottille féministe était partie elle aussi installer des banderoles sur la plage de l'île, défiant les gardiens néo-nazis qui l'occupent et invitant à y retourner régulièrement : https://www.instagram.com/reel/DKBppD8IORt/?igsh=MzRpdXVxbWFrZWZh
Sur le sable de Cap-Coz, un message commun "Bolloré : marionnettiste d'un monde fasciste", a été déployé pendant qu'une membre du collectif Lever les voiles a expliqué le parti-pris de contournement face à l'arrêté préfectoral - celui-ci impliquant théoriquement des peines de prison ferme, des centaines de milliers euros d'amende et le retrait de permis pour les pilotes professionnels. Elle a affirmé la volonté, pour autant, de ne pas renoncer à manifester ensemble en mer :
"Nos capacités à rejaillir, à rebondir, à surprendre à rester en joie et à célébrer ensemble, fait de nous les plus puissantes. Cette armada est bien celle de la résistance. Elle est aujourd’hui vitale. Cette situation, elle-même, nous le démontre. Et le combat ne fait que commencer." L'ensemble de la prise de parole du collectif Lever les voiles est à retrouver ici : https://lessoulevementsdelaterre.org/blog/prise-de-paroles-du-collectif-lever-les-voiles
Des militant•es ont ensuite rappelé que la mobilisation d'aujourd'hui est partie prenante d'une large campagne qui vise différents secteurs de l'empire Bolloré depuis 1 an - pétrole, extractivsme, huile de palme, industrie de la surveillance, éditions, livres scolaires, médias, pubs et conseils. Cette campagne a commencé à se décliner sous de multiples formes - enquêtes, blocages, désarmements, pressions sur ses sites, journées d'actions... Elle regroupe entre autres des travailleur•euses en prise avec Bolloré - libraires, ouvier•es, cheminots, éditeurs, journalistes, paysan•nes, riverain•es de ses palmeraies, étudiant•es, profs... La campagne contre Bolloré se décline aujourd'hui par des mobilisations à l'encontre d'autres milliardaires ultra-conservateurs en campagne pour la mise au pouvoir de gouvernements néo-fascistes, à l'instar d'Edouard Sterin et de ses nuits du bien commun.
Après un exorcisme collectif du monstre du Loc'h, les bateaux sont repartis en armada sur quelques miles, en joie de cette navigation commune et de cette force nouvelle entre marins, avant qu'une partie s'élance vers la cale de Beg Meil, et l'autre...vers l'archipel des Glénan.
Pendant ce temps le village antifasciste de "Lever les voiles" à Guiscriff a réuni jusqu'à 3000 personnes. Une série de table-rondes s'y est déroulée sur les empires médiatiques, extractivistes et coloniaux de Bolloré. En parallèle d'une discussion avec des syndicats et collectifs antifascistes pour s'organiser contre l'extrême droite sur le temps long, a eu lieu une assemblée générale pour mettre en place le pique-nique chez Bolloré du lendemain. La journée s'est clôturée par un rituel "poulpes féministes vs milliardaires réactionaires" et une grande fête qui nous a mené•es loin dans la nuit !
Retrouvez ici le live sur la journée du samedi incluant l'intégralité des tables rondes
Dimanche - Pique-nique tonique jusque devant l'usine Bolloré à Ergué-Gaberic - Du "bon patron" au grand criminel, le Finistère continue à lever les voiles
600 manifestant•es se sont retrouvé•es le lendemain à Ergué-Gaberic, fief de Vincent Bolloré en Bretagne ce dimanche midi pour un pique-nique. Iels ont réussi d'abord à se rassembler en ville malgré les nombreux contrôles de polices et fouilles visant à les en dissuader et à ralentir les trajets entre le camp et le point de rendez-vous de la manifestation. Avec quelques grandes banderoles reprises aux catamarans, une batukada, des instruments bretons, quelques protections de circonstances et l'apport riche en tartines d'une cantine mobile, un cortège s'est formé pour marcher en direction de l'énorme usine de batteries Blue Solution.
L'usine Blue Solution est un des 3 sites Bolloré sur la commune, avec l'entreprise de film plastique et son fastueux manoir. Bolloré a tout fait pour se donner l'image d'un "bon patron" dans "sa" commune. Au point que l'on ferme parfois les yeux sur ses accointances néo-nazies, sur sa croisade pour diffuser la haine de tout ce qui ne lui ressemble pas et son oeuvre de légitimation des crimes racistes, homophobes, et des féminicides. Au point que l'on oublie que l'extraction toujours accrue des matériaux nécessaires à ces usines de batterie contribue à des catastrophes écologiques qui rendent la vie impossible sur des territoires entiers en Amérique du sud ou en Afrique. Au point que l'on se soucie peu de la répression brutale contre ses employé•es et des plans de licenciements massifs dans ses autres boîtes, des terres qu'il spolie et des violences sur les riverain•es et travailleur•euses de ses plantations d'huile de palme au Cameroun ou ailleurs.
Ici Bolloré veut se faire passer pour un "bon père" au point que l'on accepte qu'un homme cumule tant de richesses pour lui-même dans un monde où les inégalités économiques et l'extrême pauvreté ne cessent plus de se renforcer. Ici à Ergué-Gaberic nous étions de nouveau rassemblé•es aujourd'hui pour marteler aux portes de ses usines ce que Vincent Bolloré voudrait bien continuer à cacher et pour exprimer le rejet populaire des milliardaires réactionnaires !
L'initiative de cette manifestation à terre était le fruit de rencontres entre différents collectifs bretons et ses modalités s'étaient débattues et précisées la veille en assemblée sur le village antifasciste. Des plans de terrains et d'accès jusqu'à l'usine avaient été distribués pour faciliter une connaissance partagée du terrain et la prise d'initiatives. Après avoir été bloquée une première fois par la police, la manif s'est scindée à plusieurs reprises en deux cortèges solidaires plus ou moins mobiles. En passant à travers champs et friches ou en avançant en chantant et dansant en farandole malgré les tirs de lacrymo, les un•es et les autres ont réussi petit à petit à progresser jusque devant l'usine Bolloré Blue Solutions d'un côté, et jusque dans un verger derrère l'usine de l'autre. Une bataille joyeuse et rusée s'est alors déroulée entre les pommiers et face à la police protégeant l'usine, afin de la recouvrir de peinture. Les manifestant•es se sont ainsi faufilé•es parmi les arbres pour décorer les murs du bâtiment, avant de se disperser, toujours à couvert, dans les lotissements alentours.
Tant que Bolloré continuera à pourrir le monde et à enlaidir l'horizon, tant que ses profits seront mis au service de l'extrême-droite, nous continuerons à marquer, occuper, bloquer, désarmer ses sites à terre, en mer, partout !