Des nouvelles des atrocités coloniales commises par les entreprises de Bolloré au Cameroun
Il y a deux semaines, les habitants de Ndjassock au Cameroun (région du centre) barricadaient les locaux de la SOCAPALM - Eseka, une plantation de palmier à huile de Socfin/Bolloré qui sous-loue 2600 hectares de terres à des prix exorbitants aux "élites" et populations du territoire, bénéficiant de l'exclusivité sur leur production tout en fixant le prix au kilo. Les villageois-es pointent la responsabilité de l'entreprise dans la mort d'un homme trentenaire : suite à un vol de noix de palme, un habitant (n'ayant, apparemment, rien à voir avec le vol) aurait été battu à mort par les forces de sécurité appelées par le chef de la plantation après à une altercation entre les agents en charge du gardiennage des palmeraies et les présumés voleurs1.
Pour remettre ces éléments en contexte, il faut rappeler qu’en plus des sociétés privées de gardiennage recrutées par la SOCAPALM, pour surveiller ses installations et plantations, l'entreprise fait habituellement recours aux forces de sécurité républicaines, à travers les autorités administratives locales2, pour régler les conflits l’opposant aux communautés riveraines de ses plantations, avec, à la clé, des arrestations et des cas de maltraitance3.
Sur le littoral du pays, il y a tout juste un mois, ce sont les communautés du village Mbimbè, un village perdu dans les plantations de palmiers à huile de la SOCAPALM, qui revendiquaient la rétrocession de terres et s’opposaient au renouvellement d’une plantation de palmier à huile, sur une parcelle de 250 hectares. Une manifestation contre une replantation sur ce domaine a eu lieu le 14 juillet 2025 dans le village, et a été fortement réprimée par les forces de sécurité camerounaises, avec à la clé des arrestations de villageois, relaxés quelques jours plus tard.
Pierre Minkeng, 57 ans, faisait parti des personnes interpellées, il raconte sa détention avec ses enfants dans les geôles du commissariat de Dizangué :
« Ils nous ont embarqué, mes enfants et moi, dans un camion de la SOCAPALM en direction de Dizangué ; ils nous ont emprisonnés au commissariat pendant trois jours ; chaque jour, ils fouettaient les enfants sur la plante des pieds … ».
A quelques kilomètres de Dizangué, dans le village d'Apouh à Ngog près d’Edéa, les femmes, réunies au sein de l’Association des femmes riveraines de la Socapalm-Edéa (AFRISE) adressaient une lettre ouverte4 en février dernier pour dénoncer les violations de droits humains aux abords des plantations Socapalm. Un mois plus tard, le 25 mars 2025, les villageois-es manifestaient contre la replantation de palmiers à huile par la Socapalm, alors même qu'en Janvier, l'association AFRISE avait replanté à cet endroit 6 000 jeunes plants de bananiers plantains, pour revendiquer leurs droits sur ces terres. Des dizaines de gendarmes armés et équipés de gilets par balle sont venus autour des employés de la Socapalm pendant qu’ils replantaient et ont fait usage de gaz lacrymogènes pour disperser des villageois. Le Sous-préfet d’Édéa, a déclaré par téléphone au média Mongabay : « Si vous voulez savoir qui a mobilisé les forces de l’ordre, rapprochez-vous de la Socapalm. Ce n’est pas moi qui ai mobilisé les responsables des forces de maintien de l’ordre ». Preuve s'il en fallait de la toute-puissance dont bénéficie la Socapalm dans le pays.
Un peu partout au Cameroun, la holding luxembourgeoise détenue à 39% par Bolloré, la Société financière des caoutchoucs (Socfin) exploite plus de 58 000 hectares de plantations de palmier à huile et d’hévéa, à travers ses filiales Socapalm (Société camerounaise de palmeraies) et Safacam (Société africaine forestière et agricole du Cameroun). De nombreux rapports5 pointent l'accaparement des terres des villageoises, les abus sexuels et l’occupation de sites sacrés.
Comprendre le fonctionnement de la Socfin en vidéo
Comment un milliardaire français a construit un empire africain
Vincent Bolloré contrôle 400 000 hectares à travers l’Afrique grâce à un réseau d’entreprises suisses et de titres fonciers de l’époque coloniale. C'est ainsi que fonctionne l'extraction moderne.
Cette vidéo retrace l'huile de palme des sociétés écrans européennes jusqu'à un village du Cameroun où 3 000 personnes vivent piégées par des plantations sur leurs propres terres ancestrales. J’ai découvert un système conçu pour détourner la responsabilité à tous les niveaux.
(n'hésitez pas à mettre la traduction en français)
En savoir plus
👉 Pour en savoir plus sur l'ADN colonial et réactionnaire de Bolloré lisez cet article : L'empire Bolloré, une stratégie à l'ADN colonial et réactionnaire
👉 Pour aller plus loin, cet excellent article de la revue Silence sur la résistance des femmes victimes de violences sexistes et sexuelles dans les plantations de Bolloré
💸 Pour soutenir la luttes des riverain·es de Socfin contre l’accaparement et les violences faites aux femmes, vous pouvez [faire un don à l’association Justice Ensemble (anciennement ReACT Transnational), qui accompagne les mobilisations de riverain·es de Socfin dans le monde.]https://justiceensemble.givexpert.fr/
Notes
Footnotes
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https://fr.mongabay.com/2025/08/cameroun-un-homme-tue-a-la-suite-dun-vol-de-noix-dans-une-palmeraie-de-la-socapalm/ ↩
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https://fr.mongabay.com/2025/04/pourquoi-faut-il-des-gendarmes-pour-replanter-un-domaine-en-litige-au-cameroun/ ↩
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https://fr.mongabay.com/2025/07/au-cameroun-les-tensions-persistent-entre-les-communautes-et-socfin-pour-le-controle-des-terres-agricoles/ ↩
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Sur Socapalm en 2023 : https://earthworm.ams3.digitaloceanspaces.com/uploads/files/EF-Public-report_Socapalm_FR-310723.pdf Depuis 2023 : https://fr.mongabay.com/2025/07/une-enquete-internationale-confirme-la-responsabilite-de-socfin-dans-les-cas-dabus-denonces-par-les-communautes-riveraines-de-ses-plantations/ Sur Safacam : https://earthworm.ams3.digitaloceanspaces.com/uploads/files/EF-Public-report_SAFACAM-_FR_30.05.2024.pdf ↩
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https://www.asso-sherpa.org/femmes-riveraines-de-la-socapalm-interpellent-socfin ↩